vendredi 1 novembre 1991

Week-end express dans la sud (par Hervé Richard)

Assurément , aux vues du papier sur l'Espagne , le Talgo a laissé des traces indélébiles dans la mémoire d'une poignée de grimpeurs invétérés,et ce n'est sûrement pas la SNCF qui y changera quelque chose!!! 
Nous fûmes .cependant une huitaine a survivre à un train de nuit qui nous emporta un soir de novembre vers de nouvelles aventures ... 
L'arrivée en Avignon fût peu glorieuse même après la bonne douche prise dans les toilettes du train ! ... Il faut avouer qu'à 5h45 au buffet de la gare,cela n'a rien de follichon. 


Après 2 petits déjeuners réparateurs nous avons enfin pu récupérer nos superbes bolides affrètés spécialement pour l'occasion. 




Nous voilà donc partis vers des villes aux doux noms de Maussanes, Fontvieille où après avoir acheté un splendide saucisson (qui ne nous quittera plus le reste du voyage),nous sommes obligés de rebrousser chemin devant le nombre impressionnant de panneaux d'interdictions rencontrés sur le chemin d'accès à la falaise. 
Qu'à cela ne tienne,nous nous rabattons à la plus grande joie de tous vers Mouries, superbe site où les strates calcaires sortent à la verticale du sol. 



Matinée à l'ombre,côté nord, mise en jambe sur un rocher assez glissant à grosses prises où l'on a bien cru que l'on devrait laisser Blandine sur la crête, mais heureusement Mireille la tenait bien et la corde n'a pas cédée !! ... 





Eric de son côté a failli nous faire une déprime tellement il était ramollo ( il avait été sournoisement attaqué pàr un somnifère à retardement) . Mais heureusement le soleil de la face sud  a remis tout en ordre l' après  midi. 


Torse nu, en short, bronzette en novembre ... le rève! grimpette fine, rocher adhérent, le pied quoi!! Vue sur la vallée, le golf juste en dessous avec ses petites mares vertes .. certain(e)s en ont profité pleinement! 
Ce n'est qu'à regret que nous repartimes vers nos voitures. La nuit dans le train nous donna des envies de bon lit bien douillet dans un gite mais Eric finit par nous convaincre que la position centrale du camping de Cavaillon était bien plus pratique. On ne savait pas alors ce qui nous attendait! Mistral toute la nuit (merci Serge pour les nombreuses sardines ...) et caillante de première au petit matin ...heureusement les douches étaient 
chaudes! 
Ce fut somme toute requinqués et encore tout émoustillés par notre journée que nous partimes en quète d'un resto. Et quète est le mot qui convient car l'épreuve fut rude et au bout de maintes péripéties dont je tairais là les détails afin de ne pas raviver les passions, nous nous sommes précipités frigorifiés vers la première lumière accueillante. Couscous, vin de pays..., serveur locace et quelque peu grivois. On a failli perdre Blandine pour la deuxième fois de la journée agressée sauvagement par un bouquet de fleurs. 

Le dimanche démarre très fort par un vol caractérisé de pots de confiture et c'est plein pot que nous nous dirigeons vers Buoux. 
C'est incroyable comment la proximité d'une falaise récalcitrante peut vous donner des ailes (enfin surtout pour quelques uns que je ne nommerai pas mais que tout le monde aura reconnu) et c'est avec une peine infinie que je réussis à m'accrocher à cette p ... de route sinueuse : le ton de la journée était donné !!! 
Le site est effectivement à vous couper le souffle, les voies à vous éclater les bras ... Difficulté moyenne 6-7 ... 
Je ne remuerais pas le couteau dans la plaie, j'ai eu ce jour là tout le loisir de prendre quelques clichés de notre activité débordante! 

L'après midi Mireille nous a fait une démonstration de son péché mignon "Je redescend, je ne vois pas où il faut aller! " nous : Mais si tu y es là, plus qu'un pas. elle: "Puisque je vous dis que j'y arrive pas! " 
Je dois avouer pour être honnète qu'un peu présomptueux j'ai repris le flambeau juste après avec le même succès ! 
C'est lui ! notre super héro
Heureusement super Michel nous a sauvé la mise et les dégaines par la même occasion , non sans souffrir un peu tout de même ! 



Eric a fini la journée sur une voie qui pour moi évoquait plus un disque laser posé sur la tranche qu'un endroit où j'aurais songé grimper!!!! 









Le soir à Cavaillon nous avons enfin retrouvé le fameux resto ...mémorable la bouffe excellente, un petit vin de pays... rien que d'y penser mon estomac se rebiffe encore !1! 
Le lendemain matin c'est dans la gelée blanche que nous plions bagages et mettons le cap sur Orgon non sans avoir fait nos adieux à la caissière de chez Leclerc ! 
Orgon aussi fréquenté que les plages de la côte d'azur en été, où à peine la corde enlevée la voie est occupée par un autre couple de grimpeurs. 
Mais le coin est sympa, bien équipé, offrant tous les niveaux et des rochers variés. 
Michel nous a fait une démonstration de persévérence, j'en suis même arrivé à me demander lequel des prises ou de lui allait cèder le premier!! 
Nous sommes tous allés les uns après les autres s'arracher joyeusement les doigts sur une 6a bien coupante, juste pour le plaisir ... 
Et Eric magistral pour cloturer dignement le W-E nous a fait une démonstration dans une 7b... 
C'est vrai quoi ! il est énervant à la fin...

Fin des hostilités et retour en Avignon. Pique nique improvisé avec leçon de découpe de poulet en pleine gare d'Avignon sous l'oeil amusé des voyageurs en transit !

Voilà, voilà! vous savez tout ou presque...de quoi vous donner envie d'y retourner en juin ! 
A la sortie prochaine.... 

lundi 1 avril 1991

Une escapade Catalone (par Olivier Salon)

Le talgo est un train trapu de nuit, assez long et court sur pattes, et qui dessert l'Espagne.
Bien qu'un peu frais quand on y rentre, le peu chaud Talgo vous conquiert rapidement par son allure un peu désuète et ses formes arrondies, par une atmosphère carrément inhabituelle;

Quel douillet confort !
Quelle ambiance chaleureuse se dégage de ce tortillard ou non commençons au bar et finissons royalement installés dans des couchettes à baldaquins et ou le tango du Talgo finit par nous bercer d'un sommeil préparateur aux plus grandes courses espagnoles : c'est que nous sommes une bande d'une douzaine d'Arcueillais, prêts à faire tomber les plus belles catalones parmi les voies rocheuses d'escalade.

Arrivés.
Barcelone et sa trépidation nous accueille. Cette capitale de la Catalogne est en chantier perpétuel. Nous avons juste le temps d'y découvrir ses fameux loueurs de voiture et nous voilà partis à bord de 3 somptueux véhicules ou les sacs et le matériel sont entassés pèle-mêle ...

La route est longue jusqu'à Siurana. Nous quittons le bord de mer et nous enfonçons dans la Catalogne sauvage. La route se fait escarpée: c'est soudain une piste aux cailloux tranchants que nous empruntons (nous n'oublierons pas de la rendre); nous évoluons dans un paysage de western. Le roc est rouge et nos nez aussi.

Enfin nous débouchons sur un plateau, apparemment à mille et mille de toutes contrées habitées, duquel une immense dalle calcaire forme le couvercle. L'à-pic est raide et le paysage magnifique.

Mais nos yeux n'ont pas fini de s'ébahir : un village est juste là, surréel, et nous le découvrons en bons touristes.

On nous suggère de planter les tentes par là dans un cadre féérique, au sommet de ce donjon rocheux.









Mais brève de talivernes; Échauffons-nous et les premières voies sont là : le Cosma embrasse les montagnes. Une multitude grouillante d'Arcueillais arachnéens gravit verticalement des lignes invisibles sur les parois, suivant une évolution méthodique.











Nous resterons 3 jours sur ce site admirable : un vieux troquet nous reçoit un jour, et l'atmosphère est semblable à celle de ces refuges reculés ou seuls des initiés se retrouvent pieusement autour d'un poêle ésotérique.

Nous voila repartis à bord de nos vaisseaux spacieux vers un nouveau site, non loin de là : La Mussara.
C'est un si joli endroit qu'on a toujours envie d'y retourner, attiré par on se sait quelle force occulte : Moussara s'aimante, Olé !

Cette fois, c'est une grande barrière rocheuse qui sinue (à l'aplomb des pylônes électriques) au sein d'une belle forêt.
La source coule et chante à deux pas et nous plantons nos tentes derechef.

Notre groupe s'éparpille toute la journée durant sur la paroi. Lao Tseu l'a dit : "il faut trouver la voie". Et là, chacun trouve sa voie, sur ce splendide calcaire enfoncé dans la forêt. Mais les plus beaux coins ont tous une fin; nous avions prévu un troisième et dernier site à notre périple.

Après une courte halte au bord de mer, nous nous dirigeons vers Montserrat.





Montserrat est un panaché de Lourdes et du Mont Saint-Michel.
Là, enchâssé dans le roc, un monastère ouvre ses portes aux innombrables visiteurs; une foule intense se presse pour visiter ce monstre de laideur. Le plan d'information ne s'y trompe pas : tous les marchands du temple sont là et il est de mauvais ton de revenir de Montserrat sans une reproduction de la fameuse vierge noire, en plastique made in Corea.















La nature nous offre cependant un spectacle plus grandiose; la montagne est de roc, et ce roc est un véritable gâteau, conglomérat de galets tenus par une espèce de ciment terreux : c'est le poudingue.

Il nous faut une bonne après-midi pour nous faire à ce nouveau rocher, que nous escaladons presque à l'aplomb du monastère: les touristes nous lancent des cacahuètes, tandis que nous évoluons à travers les plis de cet énorme gâteau en forme de chevelure, tels des poux fous, des poux dingues.




Or le mauvais temps s'installe. Le vent souffle, des rafales nous cinglent le visage et nous envisageons une nuit agitée et peu alitée. Mais les organisateurs ont tout prévu : ils connaissent l'existence d'un gîte et, alors que rage fait la tempête, retrouvent ce refuge nanti d'un large dortoir ou bientôt, en un groupe de gorges d'une banlieue sud de Paris s'entassent cent tasses de lait chaud.
(Rappelons-nous ce conseil avisé que prodiguait Alphonse Allais à un voyageur effaré égaré dans une forêt noire :
Par le bois du Djin ou s'entasse de l'effroi
Parle, bois du Gin ou cent tasses de lait froid).

Dès le lendemain, le grand beau est revenu : des falaises de 200 à 500 mètres nous dominent; nous les dominerons au terme de très belles escalades dans un décor grandiose.

"Ce ne sont pas vos tours" nous crient trois jeunes vautours, en revenant de l'aire, installés paisiblement sur une corniche au bord de l'abîme, et qui voient d'un œil mauvais l'intrusion de quelques gaillards munis d'une impressionnante quincaillerie et qui progressent en ahanant le long d'un joli dièdre qui conduit au sommet.

Mais, tout comme le lait, l'heure tourne. Cet après-midi, notre errance à travers Barcelone nous fera voir à chacun quelques facettes de cette ville remarquable (les musées, l'architecture de Gaudi, la cathédrale, le parc Guell, les Ramblas ou déambule dès la fin de la journée une foule compacte qui bavarde et qui regarde, qui vit et qui rit ...).



Encore une valse ? non, merci juste un dernier Talgo.